Vinted et la face cachée de la seconde main
Le marché mondial de la mode d'occasion a connu une croissance spectaculaire, atteignant une évaluation de 177 milliards de dollars en 2022. Le développement de Vinted et la crise économique ont amplifié cette tendance. Cependant, il est important de se demander si la mode d'occasion est réellement une solution écologique, car son origine vient plus d'une vocation économique que d'une vocation écologique.
Pourtant, la mode d'occasion était une réponse efficace pour contrer les impacts néfastes de la "fast fashion" sur l'environnement. Elle visait à :
- Réduire les déchets textiles en permettant aux gens de donner ou de vendre les vêtements qu'ils ne portaient plus, contribuant ainsi à éviter la destruction annuelle de 10 000 à 20 000 tonnes de vêtements en France.
- Encourager l'achat de vêtements d'occasion pour éviter la production de nouveaux articles polluants.
Cependant, cette intention louable semble s'éloigner de son objectif initial à cause de la croissance exponentielle de la mode d'occasion et de Vinted en figure de proue.
L'évolution de la mode d'occasion devient le prolongement de la "Fast Fashion"
Malgré la montée en puissance de la mode d'occasion, la production de vêtements neufs n'a pas diminué. La plupart des articles proposés sur les plateformes proviennent encore de la "fast fashion". Par exemple, sur Vinted, la plus grande plateforme de mode d'occasion, les marques de "fast fashion", telles qu'Inditex (Zara), Shein, H&M et Primark, dominent les transactions textiles, représentant 60% du total.
Il en résulte que la mode d'occasion ne parvient pas à freiner la surconsommation de produits neufs. Au lieu de cela, elle est même devenue une tendance à la mode, encourageant les gens à renouveler leur garde-robe rapidement, tout comme avec la "fast fashion".
Et soyons honnêtes, il existe une importante dimension de déculpabilisation dans l'acte de revendre des achats impulsifs récents sur une plateforme de vente d'articles d'occasion. En réalité, certains fervents adeptes de la fast fashion peuvent se donner bonne conscience en revendant leurs vêtements peu de temps après les avoir acquis, et ainsi, ils peuvent continuer à consommer sans fin.
Dans la plupart des scénarios de transactions sur Vinted, il y a un double problème :
- D'un côté, il y a le vendeur qui se sépare de vêtements issus de la fast fashion et qui minimise par la suite l'impact de son achat initial. Pire encore, il pourrait utiliser les revenus de la vente pour effectuer de nouveaux achats, contribuant ainsi à perpétuer le cycle de la consommation effrénée qui profite aux marques.
- De l’autre côté, l'acheteur continue à se fournir auprès de marques peu respectueuses de l'environnement et des droits humains, en se justifiant par le caractère d'occasion des articles.
En fin de compte, ces deux personnes continuent à alimenter les mêmes marques problématiques, contribuant ainsi à leur croissance financière. Paradoxalement, il est possible d'affirmer que ces plateformes soutiennent l'économie désastreuse de la fast fashion.
L'incitation à l'achat de vêtements neufs
“Allez j’achète, tant pis si je ne porte ce vêtement que deux fois, je le mettrai sur Vinted”
Cette phrase reflète parfaitement les habitudes de consommation des utilisateurs assidus et compulsifs de la plateforme Vinted.
Ainsi, au lieu de contribuer à atténuer l'impact de la mode rapide, Vinted encourage en réalité une rotation de plus en plus rapide des vêtements. Il est important de noter que la grande majorité des articles mis en vente sur la plateforme provient précisément de cette industrie de la fast fashion, sans éthique. Sur Vinted, les utilisateurs augmentent leur pouvoir d'achat dans le but de le réinvestir immédiatement dans des vêtements neufs, qui sont eux-mêmes issus de la fast fashion, créant ainsi un cercle vicieux…
Cette tendance à revendre de la seconde main pour pouvoir augmenter son pouvoir d’achat sur le marché du neuf concernerait 70% des utilisateurs selon le cabinet Boston Consulting Group.
En outre, certains vendeurs professionnels exploitent la plateforme pour vendre des articles neufs de la "fast fashion", éloignant ainsi Vinted de son objectif initial de vide-dressing.
La surconsommation et l'incitation à l'achat impulsif
L'achat d'articles d'occasion sur Vinted permet aux utilisateurs d'augmenter leur pouvoir d'achat, ce qui les pousse à acheter en plus grande quantité. Cela entraîne souvent une accumulation d'articles inutilisés, créant ainsi du gaspillage.
L'interface conviviale, la facilité d’achat et de vente, et les nombreuses notifications de Vinted poussent également à l'achat impulsif, en incitant les consommateurs à acheter sans réfléchir à la nécessité réelle de l'achat !
Sur Vinted, chaque seconde, 2,2 transactions sont effectuées. La plateforme gagne sa vie sur ces transactions, et elle fait tout pour les développer au maximum.
Une plateforme qui a quand même des aspects positifs
Malgré ces dérives, Vinted a contribué à populariser la mode d'occasion et à changer la perception des achats d'occasion. Aujourd’hui, il n’y a plus de honte à acheter en seconde main.
Il existe également un impact social positif pour certains utilisateurs qui ont des ressources limitées, leur permettant d'accéder à une variété de vêtements à moindre coût.
Nos propositions pour consommer de façon responsable la seconde main
En résumé, l'achat de vêtements de seconde main issus de la fast fashion équivaut toujours à soutenir l'industrie de la fast fashion.
Pour adopter une approche responsable de la mode d'occasion, il est essentiel d'acheter de manière réfléchie, en se concentrant sur les articles dont on a réellement besoin, en privilégiant les vêtements neufs éthiques et en soutenant des initiatives de seconde main à vocation caritative, comme celle d'Emmaüs, qui perd des parts de marché depuis l’ascension de Vinted.
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